L'inclusion du point de vue des
Représentant.e.s populations clés :
"Nous sommes là"
Pour opérationnaliser la stratégie du Fonds mondial, "Les communautés d'abord", l'assistance technique plaidoyer renforce la qualité de la participation des populations clés dans les dialogues nationaux
s dialogues nationaux
Sujet : Renforcement de l’inclusion des Représentant.e.s populations clés dans les CCM et qualité des dialogues nationaux
Par Alexandra Phaëton, L’ATELIER DES LUTTES
Janvier 2023
Résumé : Dans cet article de L’Atelier des Luttes pour Aidspan, la parole est donnée aux terrains, par le partage de citations anonymisées de Représentant.e.s populations clés au CCM de plusieurs pays d’Afrique francophone (Burkina Faso, Burundi, Mali, Île Maurice). Des espaces de travail collectif de renforcement du plaidoyer professionnel sont désormais ouverts, afin d’améliorer leurs efforts de participation, grâce à une assistance technique plaidoyer dédiée. Les leaders des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, des travailleur.euse.s du sexe, des personnes transgenres, des personnes usagères de drogue, expriment ici leurs ressentis de l’inclusion et la réalité de leurs conditions de travail sur les terrains.
SE FORMER AU PLAIDOYER POUR NE PLUS SUBIR
« Nous devons faire face à l’idée répandue que nous n’en valons pas la peine ». Les citations des leaders HSH, TG, TS et UD (anonymisées ici) ont été recueillies lors de réunions de travail hebdomadaires, dans le cadre de formations et de missions d’assistance technique plaidoyer, menées par L’Atelier des Luttes depuis 2020, auprès de pair.e.s-éducateur.rice.s populations clés. Analyser leurs discours révèle de grandes similarités par delà les frontières et les contextes locaux. L’Atelier des Luttes porte une expertise engagée auprès des personnes concernées : travailler ensemble à outiller la parole et la mobilisation des bases communautaires, et formaliser la capacité de contribution d’expertise technique, directe, dans les politiques publiques pour une santé équitable, sans jugement.
En initiant le renforcement de capacités des représentant.e.s HSH, TG, TS et UD des 4 CCM du Burkina Faso, du Burundi, du Mali et de l’Île Maurice, L’Atelier des Luttes a joué un rôle de tuteur de résilience. Cet article est un partage d’analyse issue des coulisses de l’assistance technique menée : transformer, en expertise constructive, les raisons objectives de la colère émanant des terrains. Cette colère est due au manque de moyens pour travailler au quotidien et ramener les « chiffres », sans mise à l’échelle des stratégies de soins adaptées pour les populations clés, sans moyens suffisants pour « aller vers » les personnes exclues. Le manque de reconnaissance du métier indispensable de paire-éducation auprès des bénéficiaires, l’absence de salaire et de progression de carrière pour ces pair.e.s-éducateur.rice.s, l’ensemble les conditions de travail, alimentent le découragement. Comment continuer à sauver plus de vies, sans écoute attentive des expert.e.s terrain et de leurs alertes, sans marge de manoeuvre pour améliorer les décisions ? Une colère s’exprime également face au risque sécuritaire pour les pair.e.s-éducateur.rice.s dans l’exercice de leurs fonctions. Comment résister quand les confrontations avec la police font le quotidien, sans assistance juridique, sans moyens pérennes pour réduire les violences structurelles subies ?
Grâce au renforcement de capacités en plaidoyer, la parole individuelle devient une voix collective, qui se structure et s’autonomise,. « Nous avons besoin d’apprendre à parler malgré les discriminations ». « Nous sommes tellement habitué.e.s à certaines situations que nous avons intégré ces violences ».
Se former au plaidoyer et ne plus subir signifie alors rationnaliser les constats et se focaliser sur les solutions. Dès lors, la colère laisse la place à une détermination à agir, pour se mobiliser ensemble dans chaque groupe de personnes concernées, et par delà les conflits internes ou les concurrences inter-associatives. Ainsi, ensemble, faire savoir l’impact de l’expertise terrain, la formaliser et la diffuser, pour porter collectivement et stratégiquement, les changements attendus par les personnes concernées. Et professionnellement, donner sens et réalité au slogan volontariste de la nouvelle stratégie du Fonds mondial : « les communautés d’abord« . Cette volonté affichée d’inclusion est une opportunité à ne pas manquer, pour dépasser le sentiment d’impuissance et se positionner, légitimement, dans les dialogues nationaux.
Accompagner la prise du pouvoir d’agir collectif, la formalisation de l’expertise de terrain et le passage à l’action des groupes minoritaires conduit à renforcer les capacités propres des leaders populations clés à être des interlocuteur.rice.s crédibles et reconnu.e.s. L’assistance technique prépare au dialogue public, encourage une saine libération de la parole et permet renforcer le rôle effectif des leaders et expert.e.s populations clés nationaux, positionné.e.s dans les instances de décision. Cette contribution au pilotage des programmes est la garantie pour aligner les financements sur les besoins prioritaires. L’inclusion des représentant.e.s populations clés guide la performance des programmes, elle est un impératif pour les gains d’impact sanitaire à venir. Cependant, vue du terrain, l’inclusion se heurte à de nombreuses difficultés. L’assistance technique plaidoyer permet la conscientatisation et la verbalisation des maux et paradoxes ambiants.
INCLURE LES EXCLU.E.S
En partant des difficultés vécues par les représentant.e.s populations clés, l’assistance technique au plaidoyer ouvre un champ méthodologique à leurs efforts de participation dans les instances nationales, malgré l’environnement discriminant, malgré tout. Alors comment inclure les exclu.e.s?
La réponse est une plongée politique et sociale dans les réalités des terrains et les difficultés des relations de travail au quotidien, quand on assume la représentation directe d’une minorité stigmatisée. Réussir l’application professionnelle du principe communautaire Rien pour nous sans nous repose sur la qualité des contributions aux dialogues nationaux et sur la capacité endogène des leaders communautaires à se former pour influencer – en continu – les prises de décisions, dans l’intérêt des personnes concernées, en respect des recommandations internationales sur les solutions à haut impact sanitaire. Le défi devient alors de normaliser, dans le pays, le recours à l’expertise des populations clés, comme boussole et aide à la prise de décision politique et budgétaire optimisée.
La structuration du plaidoyer des populations clés permet la création d’une mécanique dynamique de productions de solutions, pour être mieux inclus.es, reconnu.e.s, valorisé.e.s, pour protéger, dépister et traiter plus. « Il faut enfin donner un vrai statut aux pair.e.s-éducateur.rice.s, nous sommes la première ligne de la lutte ». » Nos activités prioritaires doivent être défendues lors des processus de négociations et de suivi stratégique ». « Il nous faut d’urgence budgétiser des centres de prise en charge bien équipés par catégorie de populations clés ». « Bien sûr aussi hors des capitales ».
Considérer la participation significative des communautés de populations clés comme une conditionnalité pour optimiser les ripostes, de communauté en communauté, est un appel à la responsabilité collective et à la redevabilité envers les bases communautaires.
« Nous voulons noter les subventions du Fonds mondial du point de vue des populations clés ».
« On veut que les bailleurs viennent nous voir travailler ».
OSER PARLER
L’assistance technique au plaidoyer ouvre les lieux de la parole partagée avec les décideurs, pour la création du changement. Mais l’analyse des faibles marges de manœuvre pour remédier aux problèmes structurels, les raisons de la colère et du découragement des acteur.rice.s de première ligne, sont les indices du manque d’efficacité de la lutte, freinée par l’absence de résolution systémique des dysfonctionnements et obstacles locaux, et par le manque de considération et de protection des pair.e.s-éducateur.rice.s. « La paire-éducation est déconsidérée, il nous faut une loi de protection des pair.e.s-éducateur.rice.s ». « La police nous harcèle, nous arrête, on a peur dans la rue, tout le temps ».
D’abord, oser parler et dire ce qui ne va pas. « Nous devons travailler sur l’estime de soi ». Le lieu d’une parole de plaidoyer libre et sécurisée est le début de tout. « Les problèmes des personnes issues des populations clés commencent dans les familles ». « Les agressions physiques dans les familles, les expulsions du logement, sont le quotidien ». « Mourir veut dire que le jugement des autres s’arrête ». « Les groupes de paroles sont essentiels pour lutter contre l’auto-stigmatisation, on doit d’abord s’accepter ».
En accompagnant la libération de la parole sur les ressorts du pouvoir d’agir, l’assistance technique plaidoyer permet de convertir les souffrances personnelles en riposte constructive. Il devient alors possible d’élaborer des réponses collectives aux violences structurelles. Les personnes transgenres sont invisibles, on ne veut rien faire pour nous ». « Nous les usagers de drogue (UD), on nous voit seulement comme des criminel.le.s ». « Les UD doivent recevoir une prise en charge digne où la réduction des risques est au centre de la stratégie ». « Nous ne voulons plus attendre pour défendre et valoriser le travail du sexe comme métier à part entière ». « En tant que travailleuse du sexe (TS), j’ai peur, tout le temps peur dans mon travail ». « Les paires éducatrices TS sont violées ». « Les proxénètes nous violent pour laisser l’accès aux outils de prévention ».
Les pair.e.s-éducateur.rice.s et leaders, travaillent alors sur les changements à leur portée et œuvrent à la progression de leurs compétences, vers le passage à l’action, et le plaidoyer pour la reconnaissance de leurs rôles et la réduction des violences.
MISER SUR LE DIALOGUE PLAIDOYER PROFESSIONNEL EN CONTINU
Former des Représentant.e.s de personnes concernées au plaidoyer, permet de changer de regard sur la productivité des relations de travail avec les « terrains » : conscientiser ensemble les violences subies, apprendre à exprimer, à entendre et adresser ces problèmes douloureux qui font le quotidien et les traduire en solutions, partagées au niveau national. « On veut montrer la réalité des choses ». Pour accéder au réel, les relations de travail doivent être directes, permanentes et (très) régulières. « Les Portfolios managers du Fonds mondial n’ont jamais le temps de nous rencontrer. » Le temps n’est plus à la consultation ponctuelle. Le plaidoyer des Représentant.e.s populations clés repose sur la régularité des échanges de résolutions et le suivi stratégique de la performance des services. Chaque avancée compte. Donner des espaces fixes aux analyses des leaders, en étant, à leurs côtés, déterminé.e à trouver des solutions concrètes, c’est miser sur du temps de travail dédié au dialogue entre toutes les parties prenantes, pour explorer les marges de manœuvre exploitables. C’est donner sens et réalité aux stratégies d’inclusion et à la démocratie sanitaire. « On veut être utile de la bonne manière ». « Nous devons capitaliser sur nos savoirs-faire pour lutter contre les discriminations ». Les leaders des personnes concernées, formées à la défense de l’expertise du terrain, deviennent alors le moteur de dialogues nationaux inclusifs efficaces.
INCARNER LE RÉEL
« Nous sommes parmi vous ». Lutter pour l’accès équitable aux soins et œuvrer pour les droits humains des populations clés oblige à poser des mots convaincants sur des tabous face aux décideurs nationaux : pour parler de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle, de l’usage de drogue, du travail du sexe, et du milieu carcéral, il faut trouver les bons mots. « Les communautés doivent apprendre à s’exprimer ». « Il faut que nous montrions la réalité, faire nos vidéos, qu’on nous voit ». « Il y a tellement de préjugés… nous devons faire de la pédagogie sur les populations clés ». « Les ateliers de déconstruction des représentations sont essentiels ». « Nous devons agir pour déconstruire des représentations ».
Il faut du courage pour parler publiquement et aller à contre-courant de l’opinion. Le plaidoyer professionnel permet d’assumer et de structurer collectivement ce courage. Il prouve que la ténacité pour défendre les personnes concernées est un vrai métier : identifier les obstacles à la prévention, à la prise en charge et à la rétention dans le soin, puis démarcher localement toutes les parties prenantes sur les pistes d’amélioration des réponses nationales. Ces solutions sont les guides de l’augmentation de l’impact sanitaire, de la réduction des violences et de l’optimisation des financements. Ces solutions rapprochent concrètement les personnes concernées de meilleures conditions de vie. « Que faites-vous vraiment pour nous ? » Voilà, en attendznt, ce que les leaders populations clés entendent continuellement. « Disons-le, il y a des activités de terrain qui ne marchent pas, et on ne demande qu’à les améliorer ». « Nous avons l’impression que la lutte se fait à l’aveugle ».
ANALYSER POUR RÉSOUDRE
« Nous sommes là pour donner des chiffres, sans être impliqué.e.s dans la stratégie des programmes, mais quelle est notre parole politique au-delà? ». Il ne s’agit pas de se réunir pour se plaindre ou de ressasser les raisons (pourtant objectives) des sentiments de peur, d’isolement et d’impasse. Les cris de justice, de dignité et d’humanité permettent de conscientiser les ressorts du plaidoyer des leaders des populations clés. Pour fournir les « chiffres » qui seront reversés aux cascades nationales, les travailleurs.euses. de terrain sont confronté.e.s à d’innombrables problèmes. C’est donc le partage permanent de leurs analyses qu’il faut nécessairement faire entrer dans les quotidiens des interculoteur.rice.s des populations clés. « Les communautés sont en colère contre le Fonds mondial car l’argent n’arrive pas jusqu’au terrain » . « Aujourd’hui, la lutte sur le terrain tient sur notre bonne volonté sans encouragement en retour ». « Nous nous sentons tout le temps en danger ». L’expertise plaidoyer fait état de la frustration collective des manques d’impact due à une série de manques établis par les leaders communautaires. Partout les mêmes constats de profondes carences systémiques :
- Stigmatisation, auto-stigmatisation, discriminations, violences, et maintien des plus exposé.e.s hors de la prévention et des soins
- Manque de formalisation et de transmission des expertises contextuelles et thématiques
- Manque de reconnaissance et d’application des solutions de l’expertise communautaire
- Manque de financements d’activités de services en stratégies avancées
- Manque de financements associatifs structurels
- Manque de financement du plaidoyer et de la mobilisation des bases
- Manque de continuité dans la poursuite des dialogues avec les populations clés
- Manque d’influence et isolement des populations clés
- Manque d’impact dans les résultats nationaux.
« Le manque de performance des programmes de terrain doit être le point de départ de notre plaidoyer ».
SE RÉUNIR EN ROUTINE
Afin de pouvoir participer efficacement, entamer ce parcours de résilience personnelle et collective, il faut déjà savoir s’exprimer, en interne, dans les structures, et se positionner pour créer les lieux de la parole plaidoyer, depuis les bases. « Nos communautés doivent apprendre à se réunir ». Ouvrir un cadre professionnel aux analyses, pour créer des dynamiques de groupes, prêts à acquérir ensemble, les compétences techniques de participation et de contributions techniques, bénéfiques à la meilleure gouvernance des luttes. « Nous devons tenir des réunions sur le travail de terrain et les conditions des pair.e.s éducateur.rice.s ».
L’assistance technique incite à la structuration et à la transversalité des expertises. Elle appelle la tenue de réunions fixes et régulières pour cette construction endogène de solutions, depuis les bases. Ce développement organisationnel de la fonction de plaidoyer implique d’accorder du temps de travail spécifique de ressources humaines en charge du plaidoyer, et de suivre la professionnalisation de cette capacité collective à participer significativement. Les activités de renforcement des capacités consacrées à l’acquisition de méthodologies de plaidoyer local, sont des zones de travail où la confiance, la bienveillance, le respect des aspirations de l’autre sont au centre, pour libérer la créativité collective et imaginer des changements nationaux. « Il faut que les populations clés se retrouvent entre elles ». « La priorité pour se mobiliser, c’est de travailler solidairement entre populations clés ». « Nous avons besoin de valoriser nos actions ».
Si le plaidoyer est pris au sérieux par les directions associatives (c’est-à-dire structuré, financé et suivi-évalué), comme une fonction organisationnelle transversale de transformation des réalités, les financement du plaidoyer devient une source de gains d’impact sanitaire. À cet égard, des stratégies locales, continues et endogènes de renforcement de capacités en plaidoyer permettent d’inciter les personnes concernées à adresser leurs besoins et à mettre la balle dans le camp des personnes détentrices du pouvoir de décision. « Nous devons nous réunir pour relever tout ce qui ne va pas, établir à qui adresser nos demandes, argumenter et contre-argumenter ». « On a un vrai besoin de mobilisation et l’envie est là ».
PARTICIPER EFFICACEMENT
Comprendre et analyser comment dénouer les dysfonctionnements, enquêter, résoudre, proposer les solutions, initier des innovations et chiffrer les besoins. « Nous devons organiser des descentes sur le terrain avec les politiques ». L’appui au plaidoyer permet d’intégrer les contraintes opérationnelles et structurelles et de comprendre les rapports de force contextuels pour mieux les résoudre. Trouver où se nichent les améliorations de court terme, comment avoir une prise sur les réalités et les transformer, pour compter les avancées, pas à pas, de communauté en communauté, de résolutions en innovations. « Nous voulons être au cœur du suivi-évaluation, nous savons que la budgétisation des activités est l’enjeu politique de notre plaidoyer ». « Nous voulons des places systématiques dans les comités de suivi-stratégiques ». « Nous voulons des places de représentations directe pour chaque catégorie de populations clés. »
Les pratiques de travail au sein des instances de coordination nationale et des comités de suivi stratégique, les conditions d’exercice réel des mandats de représentation directe, et plus largement, le principe d’inclusion lui-même, se heurte aux réalités contextuelles. « Notre rôle s’inscrit contre la volonté de l’État ». « Si cela ne tenait qu’aux décideur.se.s, nous n’aurions pas de place de représentation ». Malgré la volonté politique et les procédures mises en place par le Fonds mondial, les représentant.e.s de populations discriminées restent isolé.e.s aux tables des dialogues, faiblement appuyé.e.s et suivi.e.s dans leurs demandes d’optimisation. En objectivant le besoin collectif de parvenir à des gains d’impact, l’assistance technique au plaidoyer communautaire vient apporter des réponses opérationnelles à la philosophie et aux principes d’inclusion du Fonds mondial, comme formulés dans sa stratégie 2023-2028 : « Les communautés d’abord : travailler avec les personnes et les communautés et répondre à leurs besoins […] Il faut notamment amener les communautés les plus affectées à jouer un rôle plus significatif dans tous les processus liés au Fonds mondial, et éliminer les obstacles qui les empêchent de jouer ce rôle. Il faut également s’engager à écouter activement les personnes et les communautés qui se trouvent aux premières lignes de la riposte aux trois maladies et qui sont confrontées aux plus grands risques – en tant que prestataires ou bénéficiaires des services et des programmes – et à valoriser leur expertise et leurs expériences. Pour ce faire, il importe d’aider les communautés à prendre les commandes de la planification, de la mise en œuvre et du suivi des services, du plaidoyer et de la prestation d’un soutien technique spécialisé. Enfin, placer les gens et les communautés au cœur de la stratégie signifie une certaine solidarité. On pense notamment à la solidarité et à l’action nécessaires pour s’opposer aux lois, aux politiques et aux pratiques qui mettent en danger la santé et la sécurité des personnes et des communautés et qui entravent la lutte contre les trois maladies. »
Les conditions de travail des leaders populations clés sont au coeur des préoccupations de l’assistance technique plaidoyer. Malgré cette main tendue par le Fonds mondial pour l’inclusion, sur les terrains, en temps réel, et du point de vue des permie.ère.s concernées, l’effectivité de l’inclusion présente de fortes marges de progression. « Nous ne nous sentons pas les bienvenu.e.s au CCM ». »Nous sommes noyé.e.s dans le CCM »; « Nous n’avons pas les codes pour parler au CCM ». « Nous n’avons pas de soutien quand nous prenons la parole au CCM ». « Nous n’avons pas suffisamment de moyens pour exercer notre mandat de Représentant.e.s ». « Venir au CCM me coûte de l’argent, c’est du temps qui n’est pas travaillé, en face ce sont des salarié.e.s ».
Pour rester mobilisé.e.s et pleinement participer, du temps de travail professionnel et des activités dédiées à la performance des dialogues sont nécessaires. Assurer une représentation de qualité, participer et plaider représentent des coûts humains et opérationnels. Formés à l’identification de leur besoins en plaidoyer, les leaders populations clés, peuvent se projeter dans la structuration organisationnelle de leur participation et partir à la recherche de financements pour créer, maintenir et consolider leur positionnement et leur influence sur les scènes nationales. « On voit toujours les mêmes leaders, d’autres leaders doivent trouver leur place mais nous n’avons pas d’espace collectif d’engagement ». « Nous avons besoin de cadres festifs, la résilience est le premier pas du plaidoyer ». De la théorie aux pratiques de l’inclusion, questionnons nos places d’allié.e.s des personnes concernées, créons les garanties d’une bonne structuration, vers un vrai co-pilotage des politiques publiques et un alignement sur les besoins.
CO-PILOTER ?
Grâce au co-pilotage des politiques publiques avec les personnes concernées, le chemin à suivre pour améliorer les résultats nationaux serait plus visible. Encore faut-il être audible et apprendre à savoir se faire entendre en tant que leader population clé, déjà à l’interne, au sein les structures communautaires… « Même dans nos associations, notre voix n’est pas assez forte ».
L’assistance technique plaidoyer accompagne des évolutions structurelles, des changements de pratiques de travail. Avant de prétendre copiloter les politiques publiques en faveur des communautés, il faut travailler sur la crédibilité de l’expertise portée par les personnes concernées, travailleuses de terrain. Le temps de méthodologie et de l’accompagnement à la structuration organisationnelle du plaidoyer permet de s’extraire du quotidien, pour construire un futur de reconnaissance symbolique et surtout matérielle. « Les associations font face à un problème sur le salariat des pair.e.s éducateur.rice.s ». « Sans contrat, sans salaire, certain.e.s sont payé.e.s à l’activité ». « Aller vers les personnes, ça veut dire payer le carburant pour les pair.e.s éducateur.rice.s ». « Quand on ne reçoit que des frais de déplacements, on réalise qu’on fait un travail gratuit ». « Nous devons faire le bilan de ce que cela nous coûte d’être pair.e.s éducateur.rice.s : humainement et financièrement ».
Celles et ceux qui dépistent, assurent le suivi médical et psychosocial des bénéficiaires des subventions du Fonds mondial détiennent l’expertise opérationnelle qui nous séparent de l’atteinte des grands objectifs, fixés dans les stratégies internationales. Seul.e.s à savoir atteindre et être accepté.e.s par les populations exclues, en entrant physiquement dans ces zones d’exclusion, pour prévenir et accompagner, sur place, les personnes très exposées. Seul.e.s à pouvoir trouver les mots de réconfort qui informent, éduquent et rassurent sur le suivi médical. Seul.e.s à prendre du temps pour accompagner les personnes aux rendez-vous médicaux, pour partir à la recherche les perdu.e.s de vue, faire des sorties à risques, et réagir aux spécificités de chaque communauté. « On nous appelle à toute heure du jour et de la nuit ».
Forts du renforcement de capacités en plaidoyer, les leaders de terrain souhaitent participer, prendre leur place, sortir de la précarité professionnelle, trouver les solutions pour réduire les situations de danger personnel pour les pair.e.s-éducateur.rice.s populations clés, notamment lors de la mise en oeuvre des subventions du Fonds mondial. La question de la sécurité devient centrale dans leurs propos. « Sans statut, cela conduit les policiers à nous accuser de faire la promotion de pratiques interdites ». »Les policiers nous arrêtent parce que nous avons des préservatifs ou des seringues sur nous et les gardent ». « Une arrestation de plusieurs jours, c’est le traitement qui s’arrête avec les conséquences pour notre santé ». « Nous ne pouvons pas parler à visage découvert, il y a trop de risque pour notre sécurité ». « Les policiers ne savent pas ce que c’est un.e pair.e-éducateur.rice ». « Pour faire notre travail, il ne reste qu’à prier de ne pas croiser la police sur le terrain ».
L’assistance technique plaidoyer s’adresse à nous tou.te.s, engagé.e.s à défendre les intérêts des personnes concernées. En acompagnant la construction de stratégies de plaidoyer portées depuis les bases, les autorités nationales et internationales, les médias et relais d’opinion, tous les partenaires appuyant les résolutions et innovations sont attendus pour prêter une oreille attentive aux réalités des terrains.
« Nous voulons parler mais nous avons aussi besoin que d’autres parlent et se mobilisent avec nous ».
Allié.e.s conscient.e.s de ces réalités, des maux et des solutions, à nous, de promouvoir des relations de travail directes, incitatives et horizontales avec les terrains. Allié.e.s déterminé.e.s à voir du changement, à nous d’alimenter concrètement, les débats sur la reconnaissance et le financement du travail de terrain, et d’attirer l’attention sur les moyens humains et financiers nécessaires à la structuration du pouvoir d’agir des communautés. Partageons cette responsabilité collective « L’expertise du terrain n’est pas prise en compte par les récipiendaires principaux et les sous-récipiendaires, cela freine la paire-éducation ». « Les associations identitaires méritent d’être soutenues pour devenir sous-récipiendaires ». « Les associations identitaires doivent prendre le lead des activités populations clés ».
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L’Atelier des Luttes invite à une structuration méthodique de l’inclusion des leaders et Représentant.e.s de communautés les plus exposées. En réponse à l’Appel de Dakar, oui, il est temps de réinventer la lutte… par le bas. « Nous nous sentons tout le temps en danger ». « Comment parler sans avoir de représailles ? » L’assistance technique plaidoyer conçue comme un partenariat vers des résultats mesurables, prend la responsabilité des analyses qu’elle suscite : questionner la gouvernance des luttes, développer le leadership des personnes concernées et la structuration de leurs associations identitaires, améliorer nos rôles respectifs vis-à-vis des personnes au nom desquelles nous agissons, et professionnaliser les nouvelles « pépites » du plaidoyer de terrain. « Les leaders communautaires ont besoin de renforcer leur leadership ». « L’expertise des communautés ne s’arrête pas à leurs leaders ». « Nous devons valoriser le travail des pair.e.s éducateur.rices, entretenir la flamme, trouver la nouvelle génération qui s’impliquera à son tour ». La nouvelle génération peut compter sur l’expertise du plaidoyer communautaire, pour préserver les acquis et engranger des victoires, et des espoirs.
Pour L’Atelier des Luttes,